Eric Delaite Luthier VN Guitares Interview 1 Background
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Je suis un autodidacte, non pas par envie, mais plus par l’histoire de mon parcours.
De formation électromécanicien, je créé une société en 1995 de sous traitance industrielle pour les mondes de l’automobile et de l’aéronautique. Cette aventure prend fin en 2009 avec la crise, et des 40 personnes il n’en reste plus que 5 à ce jour. Le repreneur m’a gentiment demandé de voir ailleurs…
J’ai donc crée une nouvelle société, Au Cœur 2, dans le métier du bois.
Depuis je travaille seul ou presque.
Etant un peu musicien, et voyant des belles pièces de bois des Vosges dans mon atelier, j’ai eu l’idée de construire mes propres instruments.
Fort de mon expérience de la conception sur CAO , de l’usinage et de l’électronique, alliée à une très bonne connaissance des bois locaux, c’est tout naturellement que j’’ai conçu la première Vosgesnote.
Et oui, je ne joue pas aussi souvent que je le voudrais, je ne compte que rarement mes heures, comme tous les luthiers je pense !
J’ai aussi une famille, une femme qui me soutient et trois enfants.
Hélas, non, à part les deux anciens violons de mon grand-père sur lesquels je fais juste de la maintenance classique, je n’ai pas les compétences pour.
Mon modèle phare en ce moment c’est la Chamois.
Un grand classique type Strat, mais avec l’utilisation de bois 100 % Vosges.
Elle est destinée à des musiciens polyvalents exigeants, mais sans aller dans les tarifs stratosphériques (le jeu de mots….).
Elle possède un manche très fin, un très bon équilibre et des micros ayant un très bon rapport qualité prix (les SP Custom 62).
C’est également un instrument engagé pour la promotion de l’utilisation des bois locaux.
A ce titre, à chaque fois qu’un musicien l’essaye, il est bluffé par le sustain qu’apporte le sapin sur le corps. Donc oui, l’utilisation des bois locaux à bien d’autres qualités que purement idéologiques.
Je fais bien sûr des modèles custom, c’est très plaisant.
Sinon, je travaille sur un modèle « signature », avec un corps en 3D, un micro humbecker, une électronique ultra simplifiée, et des teintes très tendances.
J’ai également en conception une basse, je suis très curieux de faire sonner le sapin sur cet instrument !
Et quand je m’ennuie (rarement…) je continue la fabrication de ma classique…
Et oui, c’est absolument vital, bien plus maintenant vu le contexte.
Je fais moi-même tous mes sites internet, soit en présentation de pages avec ToWeb, soit en e-commerce avec Prestashop.
Evidemment, je manie depuis plus de 25 ans l’outil CAO en 3D, c’est un vrai plus pour la conception.
Dans mon métier de menuiserie classique, j’utilise régulièrement l’usinage sur CN, je le fais également un peu en lutherie, mais ce n’est pas toujours aussi « idyllique » que l’on voudrait le croire.
En effet, faire un programme d’usinage est assez long, et il est souvent plus facile de faire les opérations unitaires à la main.
Par contre la CN est très utile pour dégrossir certaines pièces comme les cavités de micros, les perçages pour la fixation du manche, etc.
Pour les luthiers qui se demandent si cela vaut le coup de s’équiper en CN, je dirais que cela dépend du volume de production. En dessous de 4 guitares par mois, ce n’est pas rentable.
Et je parle de rentabilité juste au niveau du gain de temps, je ne parle pas de l’amortissement financier.
Une CN neuve 3 axes 900×600 c’est environ 5000€.
J’utilise quasiment que les essences locales Vosgiennes, à savoir le sapin, l’épicéa, le tilleul, l’érable et le noyer.
Chaque essence est utilisée dans une pièce bien spécifique.
Le sapin et le tilleul pour les corps de guitare électrique, l’érable pour le manche, le noyer pour la touche et l’épicéa pour des tables d’harmonie.
Le choix va donc être purement esthétique la plupart du temps.
Par contre, en fonction du custom voulu, je vais privilégier un corps monobloc en sapin ou lamellés collé en tilleul.
Mon principal fournisseur est mon scieur local situé à 5 km de chez moi.
Il est spécialisé dans le bois de menuiserie, mais pas de lutherie… C’est parce que je suis souvent chez lui qu’il me met de côtés les plus belles pièces pour mes guitares !
A noter également que je coupe moi-même certains arbres de ma forêt avec ma petite scierie mobile, pour faire des pièces très spéciales.
J’essaye de ne pas changer tout le temps de fournisseur, c’est tentant, mais très chronophage…
Mais oui, je suis toujours à l’affût des nouveautés, comme tous les musiciens, c’est un vilain défaut (lol).
Je travaille donc essentiellement avec Fred. Ils sont réactifs et en France.
Il arrive quelquefois que je sois « coincé », car pas dispo, ou pas adapté.
Dans ce cas, oui, je cherche un produit dans un autre métier ou je fabrique moi-même.
Par exemple, je m’approvisionne régulièrement chez RS pour l’électronique, ou Visserie service pour des vis spéciales.
Il m’est arrivé de bobiner des micros pendant le premier confinement, ou d’imprimer en 3D des caches micro.
Par contre, je suis souvent en train de créer mes propres outils, mais cela aussi c’est chronophage !
J’ai essayé quelques micros, et pour la plupart du temps, les standards de chez SP Custom me conviennent bien, à moi et mes clients.
Je ne suis pas fermé bien entendu à monter d’autres marques, le client est roi, et le choix est large de nos jours !
En ce qui concerne les vernis, je fais les deux.
En solvanté nitrocellulo sur les corps en tilleul, et PU sur les corps en sapin.
Le choix est purement technique. Le solvanté nitro pour une finition très brillante et épaisse, le PU pour une finition plus naturelle et soyeuse.
Je ne fais pas de finition tampon pour le moment sur mes instruments. Certainement sur ma classique…
Je ne fais pas de guitare électroacoustique pour le moment…
J’ai bien équipé une guitare classique en électro-classique, mais cela s’arrête là.
Comme je l’évoquais précédemment, je n’utilise principalement que du noyer.
Sur une guitare électrique, le son issu du bois de la touche est, de mon point de vue, très peu changeant d’une essence à l’autre. Esthétiquement parlant, oui, je peux mettre de l’ébène ou un autre bois exotique, mais ce n’est pas mon étique commercial.
J’essaye de rester sur une offre cohérente et ainsi de proposer une image de marque bien définie 100% bois Français.
Je fabrique mes enceintes sono, c’est déjà bien !
Des amplis ou effets, non, il y a tellement d’offre déjà, et c’est encore un autre métier.
Laurent (Roadrunner) fabrique des effets sensas, je le recommande tout particulièrement.
C’est un métier passionnant, qui prends beaucoup de temps et où on ne gagne pas souvent beaucoup d’argent !
Blague à part (pas tant que cela..), j’ai un apprenti de l’ITEMM (Le Mans) depuis septembre, il a un projet professionnel bien ficelé sur 6 ans !
Je trouve son parcours bien pensé et je le recommande pour ceux qui veulent tenter l’aventure. Il faut absolument commencer par un parcours classique de menuisier ébéniste, 2 ans minimum.
Puis il faut passer par une école de lutherie.
Il faut la choisir en fonction des instruments que l’on veut faire ! Inutile d’aller à Mirecourt si vous ne voulez pas manger du quatuor toute votre vie !
Le grand piège c’est de vouloir des outils « pro » pour commencer.
C’est à mon sens totalement inutile et très dangereux financièrement.
Sans mettre de côté la sécurité, les outils de bases sont une bonne scie circulaire sur table, une rabo-dégau de 300mm, une scie à ruban de 200 mm de passe, une défonceuse, de la colle, des ciseaux, des pinces. Rien de bien méchant et l’on trouve cela partout.
Je recommande les marques Shepach, Jean-lébeniste, ou tout équivalent.
Par contre, il ne faut pas négliger les outils de finitions. Papiers de verre sec et à l’eau, ponceuses diverses, éponges à égrainer et autres limes, râpes, il en manque toujours une.
Les outils spécifiques du luthier sont à acheter avec parcimonie. Ils sont onéreux et très spécialisés.
Faites un choix bien ciblé, demander conseil à un collègue, ne vous précipitez pas.
Sinon, un point important souvent négligé : l’établi et l’atelier.
Ce dernier doit être suffisamment grand, mais pas trop, sinon c’est impossible à chauffer !
Commencer dans votre maison c’est une bonne idée, mais pensez à l’accueil des clients, l’accès, la place pour se garer, etc..
Un mot pour finir, je pense que la communication est ultra importante, bien plus maintenant avec le contexte sanitaire.
Les musiciens se rabattent massivement sur les marques connues et pas chère de chez Thomman et Woodbrass, voire un peu plus chère avec un nom qui claque (Fender et Gibson) car ils vont dans leur magasin favori.
A savoir que les magasins n’aiment pas vendre des instruments de luthier. Ils ont déjà tellement de mal à survivre en ce moment !
Imaginez s’ils doivent se coltiner un instrument vendu sans TVA récupérable, avancer une trèso conséquente, faire la promo eux même d’une guitare qu’ils ne connaissent pas beaucoup. C’est tellement plus simple de mettre une Ibanez ou une Fender en vitrine, c’est la vente assurée !
Alors oui, la promotion au niveau national est absolument vitale.
Christophe s’y atèle avec force, je l’en remercie, ce sera long, plusieurs années je pense.
Le meilleur commercial pour un luthier c’est son premier client.
A méditer également, je pense qu’il ne faut pas négliger la partie entrée de gamme. Les premiers clients en guitare, ce sont les débutants.
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