Ewen d’Aviau Luthier Interview 1 Background
J’ai fait la formation complémentaire de Lutherie au Lycée Georges Sand de la Châtre.
C’est une formation gratuite sous forme de stages où l’on fabrique des instruments en binôme.
Le principe c’est que des professionnels viennent animer des stages de fabrications sur une période de quelques semaines et nous apprenons avec eux à fabriquer des violons, cornemuses, accordéons, vielles à roue et Ukulélé.
Ensuite il y a toute une partie de formation sous forme de stages chez des luthiers pour se spécialiser pour environ la moitié du temps.
J’ai aussi beaucoup appris sur le tas grâce à des plans d’expériences, et du collectage de savoir-faire que j’ai effectué dans un vaste travail chez des artisans de différents horizons.
Par exemple, ma lutherie combine des techniques que j’ai empruntées en reliure, en pâtisserie, en soins dentaires , en couture, en calligraphie. Pour créer des instruments de musique nouveaux, je dois faire appel à de nombreux outils d’ingénierie que j’ai adapté aux métiers d’arts.
C’est le fait d’aller recueillir des savoir-faire transmis à l’oral auprès de personnes en fin de vie pour perdurer des savoir-faire ancestraux qui sont petit à petit oubliés par l’ère et les outils informatiques que nous utilisons de plus en plus.
Dans mon groupe de musique, Duo d’Aviau, nous jouons des airs datant des années 1960 que nous pouvons mettre en musique grâce à une grande campagne de collectages de chants et de danses, (mais aussi de contes) qui ont été réalisés en France dans les années 1980.
Vous pouvez découvrir cette vidéo : https://youtu.be/vY1Hcv5cjOE
Oui ! Ils ont été nombreux.
Les principaux sont Bruno Priez qui fabrique de magnifiques accordéons et qui a été le pionnier du renouveau de l’accordéon diatonique en France (http://metiersdart.cahm.net/fr/artisans/priez-bruno.html)
J’aimerais citer également Philippe Mousnier, facteur de vielle à roue avec qui j’ai beaucoup appris sur les instruments à cordes (http://philippemousnier.com/)
Dernièrement, j’ai beaucoup appris de Georges Alloro, (https://www.maitredart.fr/maitre-art/georges-alloro) qui crée également des instruments superbes et qui est à ma connaissance l’un de mes seuls collègues en France.
Tous mes maîtres d’apprentissages avaient une grande partie de leurs instruments dédiés à des modèles sur mesures !
J’étais ingénieur en acoustique et vibration.
Atteint depuis jeune par des troubles DYS mon parcours professionnel a été un réel projet de rééducation thérapeutique.
En devenant ingénieur, j’ai rééduqué ma Dyscalculie, puis étudiant à l’école Royale de Stockholm, j’ai crée une méthode de solfège spécifique pour rééduquer ma Dyslexie lettrée par l’apprentissage de la lecture musicale (à Paraître en 2022).
Pour rééduquer ma Dyspraxie (qui touche les gestes), j’ai appris la danse et fait parti d’une compagnie durant une année à Paris.
Pour la Dysgraphie (en lien avec la graphologie), que je traîne encore à l’heure actuelle, j’ai suivi un cursus Dessins et modelage aux Beaux Arts dans le cadre d’une année de résidence à la Cité Internationale des Arts de Paris.
Puis rapidement, enfin j’ai créé en 2014 un instrument de musique nouveau pour m’aider à rééduquer ma Dysmusie en devenant danseur puis luthier.
Je réalise un film documentaire premier jus ici : https://drive.google.com/drive/folders/1rokZH8IVN2TEeDaCdN9W3Ku6-Wau6fMi?usp=sharing
La Dysmusie est un trouble Dys relié aux problèmes de reconnaissances d’intervalles musicaux que j’ai appelé comme cela car il n’y a pour l’instant aucun ouvrage ni de publications sur le sujet.
J’ai écris un article sur mon blog qui traite de la question.
J’ai également créé un tempérament musical spécifique pour aider les Dysmusiques à reconnaître plus facilement les intervals musicaux. (https://www.labodezao.fr/index.php?page=article&id=4 )
Aujourd’hui, j’essaye de former sur cette question nouvelle et de collaborer avec d’autres professionels pour avancer sur le sujet et continuer de développer des solutions pour tous, y compris les mélomanes Dysmusiques.
J’ai baigné dans la musique et la danse traditionnelle depuis petit, mais mes troubles de l’apprentissage ne m’ont permis de commencer la musique sur instrument qu’à partir de 17 ans.
Aujourd’hui je partage mon temps entre l’enseignement via des stages et des cours (musique, danse et fabrication d’instruments), la lutherie et la musique.
C’est vraiment important, même si des fois c’est dur de trouver du temps pour bosser du répertoire.
Je pense directement à Renato Tocco, que j’ai rencontré en milieu d’année 2020 et avec qui j’ai de nombreux projets.
Entre nous, malgré le fait que je pourrais être son fils, les échanges passent bien. Il a de nombreuses idées, il sait ce qu’il veut, et il me donne des idées et m’aide à développer des solutions pour nos projets.
C’est un plaisir de travailler avec lui, tant sur le plan humain que technique. C’est très agréable de trouver des musiciens avec qui on sait qu’on a plus à échanger que juste les aspects techniques d’un projet de fabrication !
On s’entraide, on se donne des idées, on fait jouer nos réseaux respectifs, bien qu’il ait un réseau bien plus fourni que le mien, normal avec 40 ans d’expériences dans le domaine !
Je suis compétent dans un grand nombre de domaine et j’en suis heureux.
Maintenant, je suis heureux de voir des collègues avec un carnet de travail rempli et j’aime vraiment faire jouer le réseau.
Je crois qu’il y a une place pour tous en lutherie, et même si parfois je sens quelques jalousies dans le milieu, je veille à ce que tout le monde puisse vivre de son travail, pour le bien de tous. Au niveau local, bien sûr il m’arrive de travailler sur des réparations et des restaurations de tous types.
Avec l’adaptation d’instruments existant à divers besoins, la réparation et fabrication d’accordéons et la création d’instruments adaptés, j’essaye de ne pas trop m’éparpiller pour que tous les projets avancent.
Les accordéons évolutifs ! J’adore penser l’instrument de musique en terme de modules.
La gamme d’accordéon évolutive développée en 2019 permet de pouvoir facilement s’adapter aux besoins fluctuants des musiciens en pouvant ajouter des boutons, changer la tonalité d’un instrument, ajouter des grilles qui changent le timbre de l’instrument, tout ça en quelques minutes.
Cette manière de concevoir permet d’investir dans un instrument qui est modifiable facilement de projets en projets et qui permet de profiter d’options futures que je développe continuellement.
De cette manière mes accordéons sont vraiment malléables et me permettent de gagner en efficacité et en combinaisons.
Pour les plus petit budget, je propose une gamme d’accordéon sans options que je fabrique en petite série que je vends sur divers sites, dont Luthiers.com 😉 .
Ceci permet de pouvoir m’assurer un apport financier nécessaire pour la création. Il est aussi possible de me soutenir via le site Patréon (https://www.patreon.com/ewendaviau)
Je fais principalement des modèles sur mesures en pièces uniques.
Mes choix sont guidés essentiellement par le contexte et la demande des clients. Je cherche à cerner au mieux leurs besoins, puis je leurs propose des idées pour être certain que j’ai bien compris leurs demandes.
Je réalise souvent une maquette si le projet est une création nouvelle.
Mes clients sont des musiciens autant débutant qu’avancés. J’ai une gamme d’instruments de concert adaptée pour les mélomanes aguerris, et des instruments d’études qui sont conçus pour apprendre plus facilement.
Dans ces deux cas, les instruments sont conçus avec des solutions techniques qui permettent une grande liberté de jeu ou de facilité d’accès.
C’est une différence notoire par rapports aux fabricants industriels qui classifient leurs instruments d’études en réalité comme des instruments bon marché mais pas spécialement optimisés pour l’étude de la musique.
Je suis persuadé que d’apprendre avec un instrument de belle facture conçu pour l’apprentissage est un atout majeur pour les personnes qui se lancent dans la musique.
Oui j’utilise beaucoup l’informatique.
Cela va à la conception assistée par ordinateur, à la programmation de logiciels et d’outils d’aide à la facture instrumentale, à la réalisation de cours et d’outils pédagogiques.
Je fais également beaucoup de calculs et de mesures qui nécessitent la numérisation de valeurs physiques que j’exploite ensuite en Python.
J’aime travailler avec les logiciels libre comme Freecad, open Office, Ardour, Python.
J’essaye de penser en termes de contexte. Sur scène, on ne voit pas un instrument de la même manière.
J’intègre également beaucoup les couleurs dans mes instruments de musique dans la perception du clavier, dans l’ergonomie. J’édite également des partitions de musique colorées.
J’essaye de marier les bois. Ma formation en ébénisterie et les beaux Arts m’amènent à réfléchir la couleur, les contrastes.
J’aime travailler les essences de bois locales et les essences nobles par petites touches à la mode “cerise sur le gâteau”.
Oui ! J’abats principalement tous le bois local que j’utilise.
J’aime réutiliser quand c’est pertinent des vieilles essences de bois provenant de vieux lits datant de plus de cent ans car c’est du bois qui a vécu.
J’ai montré dans mes recherches que le bois avait comme une mémoire des vibrations : si on le fait vibrer sur certaines fréquences avant la fabrication des instruments, il va développer des résonances particulières à ces fréquences comme s’il en gardait une mémoire. C’est tellement passionnant !
Je travailles avec Kauffer, bois de lutherie, Maderas Barber pour le bois, métévier modélisme, auprès de mon arbre pour les principaux. Je fabrique et conçoit également de nombreuses machines pour moi même ou des collègues.
Je travaille avec une centaine de fournisseurs différents.
Je détourne beaucoup d’objets et de solutions manufacturés au micro modélisme, à la bijouterie, et au travail du cuir.
J’adore vraiment entrecroiser les différents domaines et les savoir-faire pour répondre aux besoins de mes clients, tant esthétiquement que techniquement. J’aime teinter certains bois avec des teintures alimentaires utilisées en boulangerie par exemple.
Je m’inspire beaucoup des anciens outils que je trouve dans les musées dans tous domaines confondus.
J’ai repris pas mal de solutions techniques provenant d’anciennes machines à écrire qui ont profité de beaucoup d’ingéniosités mécaniques.
Avec mon bureau d’études, je fabrique beaucoup d’outils pour des collègues, je développe des modèles physiques, des outils d’aide à la facture instrumental.
Je conçois des bancs d’études pour faire des mesures, j’écris des articles techniques et je donne des formations dans les métiers d’arts.
J’ai été formé il y a longtemps à la radiesthésie avec mes aïeux qui cherchaient des sources au pendule ou à la baguette. J’utilise à présent beaucoup le pendule pour m’aider dans la séléction de colle, matériaux en tous genre, même pour trouver des adresses de sites web que je ne connais pas, c’est vraiment un outil magique !
Étant formateur à L’institut des médias avancés où je donne des cours sur la partie technologique appliqués à la prise de son Cinéma…
Je dirais que le choix d’un micro dépend beaucoup du contexte. Il va dépendre de l’instrument en question, mais surtout du rendu. Si on veut un son épais on peut combiner différentes technologies de microphones en doublettes, des micros piezo par exemple pour amener de la vibration du corps de l’instrument couplé avec des micros électromagnétiques ou statiques pour la prise de son mélodiques. J’aime bien pouvoir prendre la reverb de l’instrument en acoustique sans utilisation d’effets annexes.
J’utilise des préamplis développés pour l’instrumentation industrielle utilisée dans la recherche, couplés avec des fils blindées câblés en symétrique pour limiter les interférences.
J’aime les connecteurs à vis de type SMC qui garantissent une connection fiable en situation de concert. Bien sûr, un client amateur n’aura peut être pas de besoins scéniques, donc le contexte est à voir avec chacun.
Oui, à peu près tous mes clients me demandent des trucs étranges, mais ce qui est étrange c’est que la plupart donnent naissance à des créations dont on pourraient croire qu’ils existent depuis des décénnies, et c’est peut être le cas !
J’aime pas trop les vernis en Base chimique.
J’ai des sensibilités qui font que je ne peux pas utiliser ces produits, même si certains sont bien utiles de temps en temps. Mes finitions sont une combinaison de vernis à l’huile Dure et du vernis au Tampon. J’utilise des produits et colles totalement biosourcées et non toxiques pour mon plus grand bonheur et ceux de mes stagiaires ! J’aime beaucoup l’huile dure car le rendu est beau et il n’y a pas de surteinte en cas de réplication là où il y a eu de la friction par exemple.
Je les supplie de nous faire confiance.
😉
En général, quand le budget est là on essaye des choses et ils choisissent. Sinon je propose des solution qui ont fait leurs preuves.
J’utilise des photos de mes précédentes créations.
Je peux aussi créer un rendu numérique avec des logiciels de CAO pour les campagnes de souscriptions que je réalise dans le cadre de nouveaux instruments.
Oui, un jour si un client me le demande (musien ou collègue), j’ai étudié l’électronique à l’école.
De plus tout est intéressant tant que le client est d’accord avec mes conditions de travail.
Par exemple en 2020 j’ai commencé à fabriquer et à proposer des options midi sur mes instrument, alors que jamais je n’aurai pensé proposer de telles options à mes débuts, et ce sont des options que l’on me commande maintenant régulièrement.
Quand je fais un cadeau à quelqu’un, je ne le choisis pas en fonction de mes besoins, pour mes instruments c’est pareil… 😉
Finalement si plusieurs clients sont intéressées par des instruments qui me parlent moins, c’est avec plaisir que je me mets au travail car ce qui me passionne ce ne sont ni les idées que j’ai de la lutherie ni celles de ceux pour qui je travaille mais c’est ce qu’on fait ensemble !
Trouver sa voie. On est nombreux, et chacun doit pouvoir trouver sa place.
Se rappeller que si tu es Généreux avec les autres, tu rends possible le fait que les autres puissent être généreux avec toi.
Je conseille d’avoir un travail fixe à côté car, au début, ce n’est pas simple.
Je pense que travailler dans un local partagé est vraiement très intéressant, surtout quand on travaille avec d’autres artisans d’arts.
Je pense que le mieux c’est d’apprendre avec un luthier déja existant. La création c’est vraiment compliqué quand même car on crée des instruments là où il n’y a aucune demande ou presque…
Et il ne faut vraiment pas hésiter à travailler à l’international car nul n’est prophète en son pays. 😉
Je conseille à un luthier débutant d’investir dans peu de materiel mais de belle qualité, conçus avec un cerveau.
Moi, je sais que j’ai beaucoup beaucoup acheté et qu’un grand nombre de choses ne me servent qu’une fois l’année.
Du coup maintenant je fais beaucoup d’outillages moi même !
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