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Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken – Pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous parler de ton parcours ? As-tu fait une école de lutherie ? As-tu suivi une formation auprès de luthiers déjà installés ? Et, si ce n’est pas indiscret que faisais-tu avant de te lancer dans cette aventure ? Étais-tu musicien avant de devenir luthier ? Ou faisais-tu tout autre chose ? Et, d’ailleurs, trouves-tu encore le temps de jouer de la musique avec ton travail de luthier ?

 

Ahaha, ta (tes) question ratisse large !

 

Je suis un luthier autodidacte. A 14 ans je découpais des planches à la scie sauteuse en forme d’Explorer.

 

Je jouais de la guitare depuis peu, j’avais découvert le Black Album de Metallica et je n’avais pas d’argent pour m’offrir une ESP ou une Gibson.

Il était inenvisageable de faire un instrument de ces planches, mais la volonté était déjà là. Et la première guitare que j’ai modifiée est une Ibanez Destroyer qui a été démontée en 2001 pour être remontée en 2011…

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background
Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Comme au sortir du lycée personne ne voulait me former (faudrait voir à ne pas créer un concurrent…) je suis parti en DUT Génie électrique, où je souhaitais apprendre à réparer et concevoir des amplis.

 

J’ai tout appris sauf ça et je n’ai jamais excellé dans le domaine mais ça me permet de comprendre comment fonctionne l’électronique des guitares (même les vieux systèmes actifs des années 60), des pédales d’effet et des amplis.

 

Ensuite j’ai pas mal vadrouillé puis j’ai repris mes études à l’Ecole Supérieure du Bois de Nantes ou j’ai passé un diplôme d’ingénieur Bois-Construction.

 

Cela m’a permis de travailler le bois, d’apprendre à identifier un grand nombre d’essences locales et tropicales, à comprendre comment il travaille, et surtout, ça a enrichi ma capacité de réflexion, d’analyse.

 

Ma courte carrière d’ingénieur m’a fait prendre conscience de beaucoup de travers dans la société consumériste actuelle et c’est sur la base de principes et convictions fortes que j’ai créé DasViken Guitars :

  • pas de plastiques,
  • pas de finitions chimiques,
  • colles naturelles,
  • sous-traitance locale pour les pièces détachées, en tous cas autant que faire se peut… (je cherche encore un moyen de faire usiner mes mécaniques sans être tributaire d’une commande en quantités pharaoniques),
  • bois locaux ou de récupération.

 

Sur ce dernier point ma formation d’ingénieur m’a amené à travailler au Gabon, en exploitation forestière.

 

Et de la coupe illégale dans une forêt gérée “durablement” j’en ai vu. Des conditions de travail inappropriées aussi. J’ai décidé de ne pas contribuer à cela, tout simplement.

 

Donc j’ai fondé DasViken Guitars.

 

DasViken voulant dire “pour toujours” ou “à jamais” en breton, et ce nom a bien plus influencé mon style que je ne l’aurais cru.

 

Mes guitares semblent en effet hors d’âge avec les finitions cirées ou vernies au tampon et leur mélange de bois de récupération et de métaux différents, oxydés ou brossés.

 

Il y a sept ans, cette orientation visuelle n’avait pas été préméditée. Elle a découlé naturellement des contraintes que je me suis fixé.

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background
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Depuis 7 ans je me demandais quelle serait ma guitare ultime, celle que je me fabriquerais. Depuis je suis devenu bassiste dans un groupe de copains et j’ai trouvé ma réponse.

 

Ma guitare ultime sera une basse que j’ai dessinée l’an dernier et que je fabriquerai dans l’année à venir… il me tarde de pouvoir la jouer !

 

 

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken – Mise à part la création d’instruments sur mesure, nous savons que tu fais tous types de réparations et d’entretiens des guitares et basses, peux-tu également t’occuper d’autres types d’instruments à cordes pincées et frottées ?

 

Tous types, pas vraiment.

 

Quand j’ai un recollage de tête sur une vieille américaine sous nitro, j’ai vraiment du mal à me décider à sortir l’aérographe pour réparer la finition.

Disons qu’elle a intérêt à le mériter… parce que parfois, j’aime autant qu’une réparation reste visible. J’ai l’impression de tricher… Et j’aime que les instruments gardent les stigmates de leur passé.

 

J’ai détablé, réparé des fissures, allégée la barre et retablé mon violoncelle.

 

J’ai aussi restauré des mandolines et banjos. Mais je ne communique pas trop dessus. Les instruments du quatuor ont leur spécificités. J’ai peu de temps pour me former à cela pour l’instant.

 

Ça viendra un jour, tout comme je me mettrai à dessiner et fabriquer des guitares acoustiques.

 

Mais pour l’instant je dois encore mûrir mes instruments électriques. De plus, je me lance dans la formation et j’ai beaucoup de travaux à faire à l’atelier et autour pour accueillir les clients de mes formations.

 

Donc la réponse, c’est oui… peut-être 😉

 

 

 

Peux-tu nous parler de tes modèles phares du moment ?

 

Je n’ai pas vraiment de modèle “phare”.

 

Je travaille à l’unité, à la paire au mieux. J’ai fait il y a deux ans une série de 10 guitares typées LP, à ma manière et je ne recommencerai pas tout de suite. C’est trop de travail, je suis allé trop loin dans les détails de cette série.

 

 

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As-tu une gamme que tu fais régulièrement ?

 

J’aimerais bien en fait, j’adore la démarche des luthiers comme Springer ou Girault qui ont une démarche identifiée et une ligne claire, assez sobre.

 

Mais je ne travaille pas comme ça. Je suis plus proche de Trussart à ses premières heures. Je re-travaille et re-conçois des formes traditionnelles à ma manière. Je réinterprète, je retourne le modèle et j’en fais une DasViken.

 

Le process de maturation est parfois long.

 

Par exemple, j’ai énormément de mal sur les strats. J’en ai fait 2 en sept ans.

D’un côté c’est ridicule, ce modèle faisant tourner tous les fonds de commerce du monde entier, mais justement, c’est sans doute pour ça que je n’arrive pas à me projeter sur cette guitare. J’aime beaucoup certains de ses sons, mais je ne supporte pas qu’elle soit à ce point idolâtrée alors qu’en fait d’autres modèles inconnus du grand public le mériteraient cent fois plus…

De plus les clients qui viennent avec l’envie d’une strat sont très contraints par les stéréotypes du modèle et j’ai vraiment peu de place pour ce qu’on appelle la rétro-ingénierie, la remise en question du modèle, pour le dépoussiérer et supprimer les erreurs de conception initiales. Et comme, de plus, toutes les marques l’ont déclinée, les variations de formes sur ce thème finissent toujours par retomber sur quelque chose d’existant.

 

Ceci étant dit, un client vient voir un luthier avec une idée plutôt classique en tête, il veut ce qu’il connait mais en mieux.

 

D’où ma démarche de reprendre des formes plutôt classiques, d’y appliquer mes contraintes, mes choix et finalement je me retrouve avec une vraie DasViken, qui, de loin pourrait sortir du custom shop le plus cinglé de n’importe quelle marque.

 

 

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Mais bref, je digresse. Oui, en fait il y a une gamme, non deux, qui sortent prochainement.

 

La première est déjà sur les réseaux.

J’ai créé la Shore-Meister, une guitare inspirée de la Jazzmaster en corrigeant ses défauts, tout en restant fidèle à l’inspiratrice, enfin je crois…

 

Pour la Générale Lutherie Scoorp. Une scop de luthiers que je contribue à monter avec une grosse poignée de collègues.

 

Des mecs qui ont du style et que j’aime beaucoup.

L’idée pour cette scop est de proposer des stages de fabrication et des kits (avec accompagnement à distance) pour les musiciens qui ont envie de mettre les mains dans le cambouis. Donc j’ai dessiné le premier modèle, on a monté le proto, filmé le tuto, je vais rédiger le manuel etc… ensuite ce sera au tour de Fred (Alkemy Guitars) puis d’un autre (Darius, Daz Guitarz, Maja Guitares, Plantegenet, Ligérie, Olcaster).

 

Là on est sur un process “industriel raisonné”.

 

On va produire les kits nous même, avec un peu de CN dedans, mais aussi et surtout nos petites mains pour le frettage et les opérations de préparation des bois. Et on mise sur la précommande pour se limiter en termes de volumes et ne pas crouler sous les commandes et mettre en péril nos entreprises respectives.

 

 

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La seconde gamme est encore dans mes tablettes, ça fait un an et demi que je la prépare, que je la peaufine, et que je tourne autour. J’ai déjà quelques clients qui l’attendent.

 

Elle est belle, déclinable sous forme de guitare et de basse, son look fonctionne avec toutes les combinaisons de micros et de frettages.

 

En double manche elle déboite carrément…

 

Je suis parti d’un mix très équilibré entre la RD et la Thunderbird. Deux formes que j’aime beaucoup, mais qui méritaient d’être remises au goût du jour.

Avec des chanfreins obliques dignes d’une SG mais surtout une structure “innovante” (je n’aime pas trop ce terme, à chaque fois qu’un luthier sort quelque chose d’innovant on se rend compte qu’un autre avait eu l’idée 25 ans plus tôt…).

Le concept de base est assez complexe : une structure de corps complètement creux dans lequel insérer une table et un dos dans le bois de son choix.

 

Elle portera ma tête ouverte à la DasViken, typée classique pour éviter de piquer du nez.

 

 

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Fais-tu également des modèles customs uniques ? Comment as-tu procédé pour les faire naître ? Quels ont été tes choix et ton processus de création ? À quel type de musiciens s’adressent-ils ?

 

Je fais donc essentiellement des modèles uniques comme je te le disais, qui sont taillés pour le musicien qui me contacte, quel qu’il soit.

 

J’ai arrêté de courrir après les musiciens professionnels. Ils sont saturés d’offres d’endorsement des industriels, c’est de la concurrence déloyale d’ailleurs. On devrait tous se liguer contre eux et leur intenter un procès. Ils ont développé un système de dumping social grâce à la mondialisation et offrent gratuitement des instruments à nos clients potentiels… On aurait de quoi se rebeller non?

 

Non? Bon, tant pis, j’aurais essayé.

 

Bref, ils sont noyés sous des tonnes de guitares merdiques, mais gratuites et sont tous fauchés, donc j’ai fini par faire une croix sur les pros.

 

Du coup je travaille avec tout le monde, sur un gros pied d’égalité.

 

Ma démarche est généralement écrite et à distance, je vis en centre bretagne. Ce n’est pas la Drôme, mais avant de me trouver, il faut se bouger un peu. Tu n’arrives pas chez moi par hasard…

Donc on correspond par email ou via messenger et ça me permet au fil des questions/réponses d’établir un cahier des charges le plus précis possible.

Par exemple, je viens de dessiner une basse qui va être un instrument vraiment très spécial, taillé pour slapper sur du métal extrême, et avoir aussi ce son chantant à la Tool. On ne s’est pas appelés ou presque, je n’aime vraiment pas le téléphone. Je garde des traces, je relis, je fais des croquis puis je modélise en 2D.

 

Oui, parfois c’est long. Il peut y avoir 6 mois de travail avant de tailler des gabarits.

 

Bien saisir la demande quand elle est complexe. Analyser les paramètres, la culture du client. Comprendre que, un son chantant pour une basse dépend d’un diapason lié à un placement précis des micros sous telle harmonique etc…

 

Et comme j’ai souvent 5 ou 6 projets en parallèle, je dois aussi composer avec la saturation permanente de mon atelier pour réussir néanmoins à travailler proprement !

 

 

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Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken – L’informatique est devenue le quotidien de chacun, quel que soit le métier qu’on exerce. As-tu recours à des outils particuliers dans le domaine de la lutherie? Peux-tu nous en parler ?

 

Bien sûr.

 

Déjà, je te disais que je préfère potasser les cahiers des charges à l’écrit, via messagerie, parfois ça nécessite carrément un document texte.

Ensuite, il y a de nombreuses compétences à avoir quand on est luthier : je dessine mes modèles en 2D sur un logiciel de dessin technique, j’ai développé une grosse banque de données de profils de manches, de contours, de pièces détachées qui me permettent d’assembler mes nouveaux modèles rapidement ; de déformer ou retracer la courbe d’un modèle classique.

 

Je suis aussi en train de me former à la 3D et à l’usinage CN.

 

Pas pour faire de gros volumes, je n’aurai sans doute jamais la volonté de sortir de ma caverne et d’investir, de m’endetter pour un outil de prod indus. Mais j’ai moyen de me faire aider par mes collègues qui sont équipés, et gérer les fichiers moi-même me permettrait de garder la main sur le programme.

Mais la lutherie, c’est aussi le traitement des photos, le montage vidéo, la gestion des devis et factures, beaucoup d’usages d’internet pour les fournitures et la communication via les réseaux sociaux, la communication avec les clients et les confrères. La gestion du site Web (j’ai deux ans de retard sur le mien…).

 

Donc niveau personal computer, il faut être bien équipé. Au point que le double écran est de mise chez moi, avec souris ergonomique !

 

 

 

Ceux qui te connaissent savent que tu as une démarche très particulière vis à vis du bois, comment aides-tu tes clients à choisir les essences de leur future guitare par rapport au son qu’ils ont en tête ? Arrives-tu à trouver facilement du bois dans tes réseaux ? Si oui, peux-tu nous citer quelques-uns de tes fournisseurs ?

 

Alors, j’ai une démarche spéciale en ce sens.

 

Je suis un ancien élève de l’Ecole Supérieure du Bois de Nantes. J’ai développé une démarche analytique sur le choix des essences de bois en trouvant des substituts aux essences classiques de manière à travailler uniquement les essences locales et les bois de récupération.

Je pense pouvoir encore élargir le spectre de mes choix de bois, mais pour cela je vais devoir continuer à faire scier des troncs par moi-même et les faire sécher ce qui est une démarche à long terme coûteuse en temps et en espace.

 

La difficulté étant ensuite de trouver un scieur qui apprécie de travailler une coupe sur quartier… en général ça ne leur fait pas plaisir !

 

Mes réseaux, sinon, c’est la Tonnelerie Doreau, dans le Cognac, pour le chêne, Emmaüs et les recycleries pour les armoires en noyer ou en châtaignier (parce que ma grand-mère en avait une seule et après mon ampli et une LP, j’ai fini de consommer l’armoire…).

Et puis les voisins qui me conservent des vieux meubles, d’autres qui me préviennent quand ils abattent un arbre un peu sympa.

Et quand j’ai un copain dans un coin éloigné, comme mon frère Clément quand il vivait dans les Alpes, je les envoie chiner un truc chez un charpentier local, comme du bardage de chalet de récup par exemple.

 

J’ai aussi un ami qui est négociant en parquets et il arrive à me trouver des échantillons exploitables pour les touches par exemple. Ou pour réaliser des idées peu communes…

 

 

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Il existe un énorme choix de pièces aftermarket. Travailles-tu avec des fournisseurs réguliers ou es-tu toujours en quête de nouveaux fournisseurs qui pourraient te proposer des nouveautés ? As-tu des exemples à nous donner ?

 

Je suis extrêmement fidèle à mes fournisseurs.

 

C’est un principe, parce que je considère que je contribue à les aider à se développer et que si je les lâche du jour au lendemain je risque de perdre des années de patience à les aider à développer ce que j’attends vraiment d’eux.

 

J’ai choisi SP Custom pour les micros.

 

Je n’ai quasiment jamais rien installé d’autre, sauf mes propres bobinages. Les micros de Jérémy sont vraiment excellents. Il a ses propres recettes. Je suis fan du Trinity, autant pour la guitare que pour la basse, j’adore ses repros de vintage, et je lui fais faire des finitions sur mesure pour chaque guitare tout simplement parce que c’est ce que cherche un client quand il vient chez moi.

 

Pour les mécaniques, d’ici à ce que je fasse usiner les miennes ou qu’on m’en propose en France, j’utilise celles de Hipshot. En version Open Gear Lock. Donc, à blocage, parce que ça tient mieux l’accord et que c’est moins ennuyant à accorder, et Open parce que les mécas à bain d’huile n’ont pas la moindre once de lubrifiant sous le capot, c’est juste un avantage pour éviter les poussières, mais dans le temps ça n’évite pas les blocages. Bref, Hipshot, c’est du bel usinage donc autant le mettre en valeur.
Pour les chevalets et cordiers, je les fais usiner moi-même sur mes designs, directement en alu, laiton ou acier.

 

Question pickguards ou autres plaques généralement j’envoie ça à la découpe laser sur de l’acier, de l’alu, ou alors je découpe du zinc à la main. Je peux aussi assurer des gravures.

 

Et là je commence à travailler avec un luthier qui fait des truss rods en inox aux US, parce que les truss de distributeurs sont souvent les mêmes que ceux qu’on achète en direct en chine, la marge en plus. Et là c’est du matos propre, en inox, qui ne risque pas d’être attaqué par l’humidité de la colle et à s’oxyder dans le temps grâce à l’humidité des salles de concerts.

 

Donc sur certaines pièces où je n’ai pas encore trouvé la ressource réellement adaptée à mes exigences je cherche encore, pour le reste je collabore avec mes partenaires.

 

 

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Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken – Comment choisis-tu les micros pour tes instruments électriques selon les demandes que te font tes clients ? As-tu des secrets ou des habitudes en termes de câblage ? As-tu déjà eu des demandes très particulières, ou qui t’ont paru étrange de la part de certains clients qui avaient des besoins particuliers ?

 

Pour les micros, comme je te l’ai dit, je bosse avec SP Custom et quand l’envie me prend je fais des micros moi-même.

 

Juste parce que j’aime bien m’y mettre moi aussi et essayer de développer mes propres recettes.

 

Je prends énormément de renseignements pendant la conception d’un instrument et je vais savoir comment m’orienter par rapport aux demandes, et ce parce que je connais parfaitement la gamme de mon fournisseur.

Il n’y a pas de coup de chance, je ne me laisse pas non plus influencer par certains clients qui me disent que telle référence chez un autre fabricant lui convient. Ce serait la meilleure manière de faire comme tout le monde finalement en posant des SH4 partout et de toutes façons les industriels ne proposent pas les finitions que je recherche.

Du coup, comme je connais toute la gamme, je sais ce que je vais y trouver et ce qu’il est possible de faire sur mesure.

 

Je n’ai d’ailleurs que des demandes customs, tant la conception graphique des instruments nécessite parfois d’adapter un micro sur un format différent.

 

J’ai aussi fait développer des micros exclusifs pour mon atelier. Les DasViken Fat Single Coils.

Des simple bobinages noiseless, un peu sur le principe de fonctionnement des Wide Range, avec un micros très typé Schaller des années 60, très droit et bright, en position chevalet et un autre très acoustique et aérien en position manche, parfait pour rendre les grosses fuzz crémeuses.

Mais j’apprécie aussi beaucoup le Pure Origine, une repro fidèle du célèbre PAF et qui sonne aussi bien, voire mieux que le vrai.

Pas facile à assumer de dire ça, mais j’ai eu des sets de repros hyper hype entre les mains, j’ai eu des pafs d’époque aussi, sur une SG 1963 entre autres et j’ai montés pas mal de Pure Origin SP Custom.

 

On est clairement sur ce qu’il y a de mieux dans ce type de micros, sans prendre le risque de tomber sur un set démagnétisé par l’âge et vendu d’occasion le prix d’un rein…

 

Bon et puis je craque complètement sur les sets Trinity, pour guitare comme pour basse, qui sont des vrais micros de caractère, polyvalents car renfermant deux single coils différents que l’on peut coupler en parallèle ou en série pour faire un humbucker très rock. C’est un micro qui m’a poussé à travailler mes câblages, qui sont eux aussi conçus à 100% pour m’adapter au cahier des charges.

 

Si jamais ça ne se fait pas dans l’industrie, je trouverai la solution pour câbler les micros comme j’en estime que le client en a besoin.

 

J’utilise aussi des astuces que j’aime bien, comme le sélecteur 4 positions pour les guitares type Tele, le push-pull pour obtenir les 7 sons d’une strat, un volume supplémentaire qui sert de boost actif. J’ai testé vraiment beaucoup de choses.

En fabriquant mes propres varitones aussi, j’aime bien l’effet fluté de certaines positions.

Mais j’ai aussi appris à ne pas faire trop compliqué, car cela risque de perdre le musicien, si sa guitare ressemble au cockpit d’un MIG… Donc quand je sais quels routages vont être nécessaires, j’essaie d’épurer au maximum pour qu’il ne reste que ceux-là.

 

Pour les demandes particulières des clients, en fait non. Pas vraiment. Ce qui n’est pas étonnant.

 

C’est à moi de savoir traduire leurs envies en solutions technologiques.

 

Et comme tout luthier qui travaille les instruments électriques, j’ai assez potassé de cas de figure différents pour savoir ce qui marchera ou non pour telle ou telle personne.

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background
Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background – Firemaster avec deux micros DasViken au format P90

 

 

Vernis… Nitrocellulo, P.U (polyurethane) ou tampon ? Quels sont tes choix et pourquoi ?

 

J’essaie d’avoir une démarche d’écoconception cohérente, donc j’utilise des huiles, des cires (dont celle de mes abeilles) et du vernis au tampon.

 

J’ai dû m’équiper d’un petit stock de nitrocellulosique pour les restauration, mais je ne le fais vraiment que quand je n’ai pas le choix tant je suis rebuté par ces produits.

Jamais de PU, je laisse ça à ceux qui aiment les cabines de peinture.

 

Cette contrainte, de ne pas utiliser de vernis, m’a poussé à développer mes propres finitions et ça a contribué à l’image générale qu’on peut se faire aujourd’hui d’un instrument qui sort de mon atelier.

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Comment aides-tu tes clients à choisir leurs capteurs électro-acoustiques ?

 

J’en pose très peu.

 

Là encore ça va être selon le besoin, j’essaie de pousser mes clients sur les capteurs Ischell, car je sais que c’est une production plus que sérieuse avec de grandes qualités acoustiques.

Mais n’étant pas spécialisé dans les guitares acoustiques c’est une demande rare et les clients que j’ai sur ce terrain n’ont pas les budgets adaptés.

 

 

 

Comment aides-tu tes clients à choisir les bois de la touche de leur instrument par rapport au son qu’ils désirent obtenir ? Peux-tu nous parler de l’incidence de ce choix par rapport aux autres bois utilisés lors de la construction d’un instrument ?

 

Je refuse d’utiliser des bois exotiques. De ce fait, j’ai dû trouver des substituts aux essences traditionnelles.

 

L’Erable reste bien sûr l’érable. Je remplace le palissandre par du frêne torréfié, si besoin d’un ébène, je vais teinter du cormier. J’ai eu aussi quelques belles expériences avec du robinier et du chêne.

 

La touche influe sur le son, puisque c’est elle qui transmet la vibration de la corde, via la frette, au manche.

 

Mais pour moi elle est plutôt liée à l’attaque de la note qu’au timbre général de l’instrument. Néanmoins, elle est à mon sens plus liée au confort de jeu qu’à l’intonation elle-même.

Un bois dense et homogène est plus froid au toucher mais plus précis, un bois blanc comme l’érable va s’user plus vite (d’autant que je ne vernis pas sauf au tampon), etc… mais partout où j’en ai mis, le frêne torréfié s’est démarqué par cette capacité à être très dur et rigide, il est extrêmement stable (plus que l’ébène qui malgré sa réputation peut encore se rétracter au séchage), et étonnamment il est très léger car sa structure ligneuse a été modifiée.

 

Ses molécules ont perdu leur eau liée, ça le rend cassant à l’usinage mais aussi parfait pour transmettre les attaques dans le jeu.

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken – Es-tu intéressé également par la fabrication d’amplis et d’effets ? Et, si ce n’est pas le cas, vas-tu aller dans cette direction comme de nombreux autres luthiers ? Ou préfères-tu laisser cette partie à d’autres ? (Si tu connais des noms d’amis qui sont dans ce domaine peux-tu en citer ? 😉 )

 

J’ai fabriqué des effets, à une époque, parce que je voulais découvrir et être en capacité à répondre à mon client sur toute la chaîne de son. J’ai fait des cabs aussi, mis mes mains dans des amplis.

 

Mais au final je ne suis pas assez efficace dans ce domaine, ça me prend trop de temps et j’ai fait le choix de laisser ça à d’autres.

Je travaille donc désormais avec Kelt pour les amplis, Zolar pour les cabs, et Anasounds pour les effets. Ceux de SBGO sont excellents aussi, on a exposé pas mal de fois ensemble au Hellfest et j’ai eu l’occasion de les tester et de voir sa gamme s’élargir.

D’autres sont très bons en France, mais clairement j’ai choisi Kelt parce que ses amplis ont une définition que je n’ai trouvée nulle part. Ils ont une telle dynamique que, forcément, quand un client teste sa guitare dans mon studio il veut repartir avec mon ampli. Et les cabs Zolar sont fabuleux. Tu peux mettre le son très fort, sans en prendre plein les tympans, leur concept est de diffuser sur 180° en horizontal et 70° en vertical, grâce à un déflecteur intégré. C’est redoutable. Ca permet de jouer complètement noyé dans le son, sans se faire mal !

Quant à Anasounds, je crois que j’aime autant la démarche générale de l’entreprise que leur capacité à concevoir des circuits extrêmement précis et organiques au niveau du traitement du son.

Enfin, quand j’ai besoin d’un circuit sur mesure ou de restaurer un ampli à lampes, je contacte Acouphonic. D’ailleurs, j’attends avec une impatience mêlée de fébrilité la sortie de sa fuzz à lampes qu’il a conçue l’an dernier et dont il est en train d’achever le développement.

 

Antoine a beaucoup de talent et donc d’idées et de projets… il va falloir tenir le coup encore un peu !

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

As-tu des conseils à donner aux futurs jeunes luthiers en devenir ? Tu peux les faire bénéficier de conseils au niveau des formations ? Connais-tu des écoles spécialisées ?

 

Je n’ai pas suivi le cursus des écoles de lutherie.

 

Je ne sais pas vraiment ce qu’on y propose et je n’ai pas dépouillé leurs programmes.

La formation initiale ne me paraît pas être une bonne idée de toutes façons, car nous travaillons souvent seuls, dans nos propres ateliers et il faut être en capacité, non seulement de répondre aux demandes très variées des clients (ce qui est la partie plaisante), mais aussi de gérer son entreprise, sa communication, etc…

 

Il faut avoir tout le soutien de sa famille dans un tel cas, car aucune école ne te prépare correctement à ça…

 

Donc je n’encourage à se lancer que ceux qui ont déjà travaillé dans un autre secteur d’activité et qui veulent se reconvertir.

D’autre part une école de lutherie, aussi ouverte qu’elle puisse paraître sur le monde, reste une manière de t’enseigner ton métier selon l’art et la manière, les traditions. On te dit comment faire, mais pas toujours pourquoi il faut faire comme ça et en tous cas jamais “tu pourrais essayer ça si tu veux”…

D’ailleurs, sortis d’école, beaucoup de luthiers se retrouvent à essayer de concurrencer l’industrie sur son terrain avec leurs armes d’artisans.

 

C’est un combat perdu d’avance.

 

L’artisanat doit être fier d’être ce qu’il est et essayer de repousser ses limites. Un luthier, c’est un custom shop personnel !

 

On donne l’impression d’être chers vu du marché d’un magasin de musique, mais notre premier prix concurrence les custom shops US pour 5 fois moins cher !

 

Par contre dans tous les cas je mets en garde les rêveurs qui idéalisent notre activité.

 

Cela demande beaucoup de travail. J’aurai répondu à ton interview en trois soirées complètes, après avoir couché mes enfants. C’est le soir que je dessine mes nouveaux modèles, que je fais mes devis, mes factures, mes commandes etc…

Pour des questions de liberté et d’éthique, je conseille à tous de se lancer sur fonds propres, sans emprunt et de développer son activité au fur et à mesure. Le niveau de stress est tout de suite moins grand, la rentabilité arrive plus vite et ça permet de se concentrer sur l’essentiel, la qualité des instruments, plutôt que d’être trop envahi par les aspects comptables.

 

De ce fait les liens humains sont aussi plus faciles et les clients se sentent plus en confiance.

 

Enfin, j’ai fait le choix de ne pas mettre les pieds dans les salons, même si j’ai été invité régulièrement dans des événements qui m’auraient fait rêver il y a 10 ans.

J’ai choisi d’aller là où l’on ne m’attend pas, en particulier dans les festivals, mais j’ai aussi réussi à placer des instruments dans des entreprises ou organisations qui ne s’y prêtaient pas forcément de prime abord.

 

Donc, futurs luthiers, en termes de cibles marketing, soyez innovants et osez !

 

 

Gildas Vaugrenard Luthier Dasviken Interview 1 Background

 

 

Le métier de luthier est un métier qui nécessite un investissement matériel important pour démarrer son activité. Que conseillerais-tu à un jeune luthier d’acheter pour débuter ? Le minimum requis ? Et, le maximum pour être dans un confort de travail ?

 

Il faut un maximum d’outillage spécifique à notre métier pour pouvoir travailler proprement, il y a donc un panier de base inévitable.

 

Si on veut faire de la fabrication dès le départ, c’est aussi plus d’investissement que celui qui commencera par du réglage et de la restauration.

Scie à ruban, calibreuse et défonceuse sont incontournables dès qu’on veut sortir des réseaux des fournisseurs de “tone-woods” ou corps et manches préfabriqués.

 

Mais il faut aussi savoir qu’à chaque ruée vers l’or, ce sont les vendeurs de pelles et de pioches qui se sont enrichis.

 

Les vendeurs d’outils ont inventé énormément de “trucs” qui paraissent très ingénieux sur le papier mais qui peuvent être remplacés par des outils de base qu’il suffit d’adapter.

Une tenaille toute simple, poncée pour avoir un tranchant à un seul biseau fera une bonne pince à frette. La même, un peu plus petite, fera une pince à défretter. Une vieille perceuse à colonne sera une presse à frettes. Un pot à cire d’esthéticienne d’occasion, un parfait pot à colle.

Je dessine aussi des outils que je fais découper au laser, comme mes règles crantées pour la vérification de la rectitude des touches, selon le diapason.

 

Bref, avoir un bel atelier tout neuf avec plein de beaux outils, flatte l’ego et l’Å“il du client mais cette vitrine ne remplace pas l’ingéniosité et la débrouillardise, indispensables pour se sortir de toutes les situations que l’on peut rencontrer.

 

 

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Le mot de la fin?

 

Apéro !

 

 

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