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Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

 

Archets en pernambouc et musiciens

 

Jacques Carbonneaux, membre de l’équipe de la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale (CSFI) nous fait un point sur la législation en cours.

 

Si les réglementations internationales des bois et autres espèces menacées de la faune et de la flore impactent les fabricants et commerçants d’instruments de musique, il ne faut pas oublier que les musiciens qui voyagent à l’international peuvent aussi être concernés par ces réglementations.

En effet, un musicien qui possède un instrument fabriqué dans un matériau issu d’une espèce de la faune ou de la flore inscrite à une des 3 annexes de la CITES et que les produits finis sont inclus (comme l’ivoire ou le palissandre de rio) doit obligatoirement obtenir un permis CITES (Certificat pour Instruments de Musique) pour passer les frontières de son pays (ou de l’UE pour les européens). Il doit alors faire valider ce permis par les douanes au départ et à l’arrivée. La même chose pour le retour.

 

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES
Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

 

 

Qu’est-ce que la CITES ?

 

Pour rappel et en résumé, la CITES est une réglementation internationale qui est entrée en vigueur le 1er juillet 1975 et qui regroupe 184 pays.

La CITES contrôle et réglemente le commerce international des spécimens des espèces inscrites à ses 3 annexes. Toute importation, exportation, réexportation (exportation d’un spécimen importé) ou introduction en provenance de la mer de spécimens des espèces couvertes par la Convention doit être autorisée dans le cadre d’un système de permis.

L’Annexe I comprend toutes les espèces menacées d’extinction. Le commerce de leurs spécimens n’est autorisé que dans des conditions exceptionnelles.

L’Annexe II comprend toutes les espèces qui ne sont pas nécessairement menacées d’extinction mais dont le commerce des spécimens doit être réglementé pour éviter une exploitation incompatible avec leur survie.

L’Annexe III comprend toutes les espèces protégées dans un pays qui a demandé aux autres Parties à la CITES leur assistance pour en contrôler le commerce. La procédure à suivre pour procéder à des changements dans l’Annexe III est distincte de celle pour les Annexes I et II car chaque Partie est habilitée à y apporter unilatéralement des amendements.

 

 

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES
Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

 

Le pernambouc à ce jour

 

Actuellement, l’espèce de bois de pernambouc – Paubrasilia echinate – est inscrite depuis le 13 septembre 2007 à l’annexe II de la CITES avec une annotation qui délimite le champ d’application de la nécessité d’un permis aux : “Grumes, bois sciés, placages, y compris articles en bois non finis utilisés pour la fabrication d’archets pour instruments de musique à cordes”.
Si l’archetier importe directement son bois de pernambouc, il aura besoin d’un permis CITES mais il n’en a pas besoin pour faire du commerce international d’un archet fini.
Le musicien qui voyage à l’international avec un archet en pernambouc n’a pas besoin non plus de permis CITES.

 

Mais cela risque de changer…

 

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES
Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

 

La proposition du Brésil

Tous les 3 ans, les 184 pays membres de la CITES se réunissent à la conférence des parties (Cop). La prochaine sera la 19ème session et se tiendra mi-novembre 2022 au Panama.

Pour cette Cop19 et suite au commerce illégal de pernambouc, le Brésil (la seule aire de répartition du pernambouc) demande le transfert de l’espèce de l’annexe II à l’annexe I.

 

Voici les conséquences pour les fabricants et musiciens si cette proposition est acceptée lors de la Cop19 :

 

Pour les fabricants : Seul le commerce pré-convention (c’est à dire des archets fabriqués avec du pernambouc datant d’avant le 13/09/2007) serait autorisé et soumis aux permis CITES (permis d’exportation, certificat de ré-exportation, permis d’importation)

Pour les musiciens : tout trajet international avec un archet fabriqué avec du pernambouc nécessiterait l’obtention d’un Certificat pour Instruments de Musique (CIM). Le passage de la frontière doit se faire à des postes douaniers spécifiques et le CIM doit être systématiquement visé par les services dédiés : c’est contraignant et complexe pour les usagers, par exemple il n’y a que 17 points d’entrée possibles pour les USA.
Pour obtenir ce certificat le musicien devrait alors prouver que le bois de pernambouc utilisé pour son archet date d’avant le 13/09/2007, que ce soit pour un archet fabriqué avant ou après cette date. S’il possède une facture correctement rédigée par le vendeur de l’archet, il ne devrait pas y avoir de problème pour obtenir un CIM. Cependant, certains pays pourraient être plus exigeants dans certains cas et exiger d’autres documents.

 

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES
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Quels bénéfices concrets pour l’espèce d’un transfert en annexe I ?

 

Un transfert à l’annexe I n’apporterait pas de bénéfices sur la préservation de l’espèce comme l’indique le Brésil lui-même : « Au niveau national, le transfert de P. echinata de l’Annexe II à l’Annexe I n’apportera pas de grands changements puisque la législation brésilienne n’autorise pas l’exploitation de l’espèce dans la nature, n’autorisant que la plantation enregistrée auprès de l’agence environnementale ou du matériel considéré comme pré- convention et obtenu conformément à la législation brésilienne. »

Pour le Brésil, le premier intérêt serait de pouvoir contrôler le commerce des archets finis. Cependant, les problématiques engendrées pour les fabricants d’instruments de musique et les musiciens seraient très graves pour un bénéfice quasi nul pour la préservation de l’espèce.

 

 

La réaction des archetiers soutenus par les organisations professionnelles d’instruments de musique

 

Depuis le début des années 2000, les archetiers du monde entier se sont mobilisés au sein de l’IPCI (International Pernambuco Conservation Initiative) pour financer la plantation de cette espèce au Brésil. En 2019, c’est environ 500 000 arbres qui ont été plantés dans l’attente qu’ils arrivent à maturité pour être exploités de façon durable et renouvelée.

Malgré les efforts de la majorité de la profession, certaines « brebis galeuses » ont dérogé à cette initiative pour succomber au commerce illégal et ainsi ternir l’image des fabricants d’instruments de musique qui s’investissent activement pour préserver la forêt, ses arbres et sa biodiversité.

Il va donc être difficile pour nos organisations professionnelles d’obtenir un assouplissement de la part du Brésil. Seules des actions concrètes menées par nos organisations pour combattre le commerce illégal pourraient être pertinentes et faire entendre notre voix pour proposer une solution la plus adaptée pour préserver cette espèce, mais pour préserver également le savoir-faire des archetiers honnêtes et des musiciens.

La CSFI sera présente à la Cop19 en novembre 2022 et participe activement à un plan d’actions avec les organisations professionnelles du quatuor, en France : le GLAAF, l’ALADFI et à l’international avec IPCI, EILA et l’Alliance-USA.

 

Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES
Archets en pernambouc et musiciens : point sur la CITES

 

 

Liens utiles :

Votre contact à la Chambre Syndicale de la Facture Instrumentale (CSFI) : Jacques Carbonneaux  jcarbonneaux@csfi-musique.fr
Mieux comprendre la CITES – FR  https://www.csfi-musique.fr/reglementations/cites/comprendre-la-cites
Guide du musicien FR-EN-GEhttps://www.csfi-musique.fr/reglementations/cites/comprendre-la-cites#DOC
Les enjeux de la Cop19 – FRhttps://www.csfi-musique.fr/reglementations/cites/la-cop19
Le site de la CITEShttps://cites.org/fra