Découvrez, dans une série d’articles, les histoires qui se cachent derrières Luthiers.com
Histoire n°1
Dédicace « un peu spéciale » aujourd’hui pour tous les luthiers (et tous les autres…) qui m’ont donné envie de me battre au quotidien pour que la lutherie soit de plus en plus présente dans le paysage des musiciens du monde entier.
Les luthiers ont du talent, ne passez pas à côté de leurs histoires… Car ils peuvent vous aider à créer la vôtre ! 😉
Il faut bien commencer par quelqu’un, tant j’en ai croisé… donc, un grand merci à toi Greg (DNG Guitares), qui depuis plus de 30 ans maintenant, t’es si bien occupé de mes guitares, lap-steels, résonateurs et autres ukulélés… Que tu les aies fabriqués ou non, tu as toujours apporté une attention particulière pour qu’ils soient bien entretenus et bien réglés. Tu leur as permis de me suivre dans de bonnes conditions.
Je ne te remercierai jamais assez pour cela.
Je n’ai que très peu de souvenirs de mon enfance… mais quelque uns n’ont jamais réussi à disparaitre. Mon Bmx Raleigh Pro Burner est un de mes rares souvenirs d’enfant… mais, je ne pense pas que celui-là vous intéresse aujourd’hui…
Remontons un peu le temps…
Le 23 avril 1987, dès le réveil, me voilà prêt à prendre le train avec ma mère pour aller à Paris. Cette journée sera un vrai changement dans ma vie, sans vraiment le savoir. Mes parents et mes grands-parents se sont rassemblés pour me faire un cadeau pour les fêtes de Pâques.
J’ai 15 ans et demi et, depuis 6 mois maintenant, je m’époumone dans l’harmonica Hohner Echo que m’a offert mon grand-père maternel, dans un magasin de musique à Tours, pendant des vacances scolaires. J’ai encore cet harmonica aujourd’hui, il est sagement posé sur mon Vibroverb Brown, tel un trophée. Ou, peut-être, juste parce que je le préfère à une photo, c’est moins triste, et cela me permet de me souvenir, chaque jour où je branche une guitare dans cet ampli, que mon grand-père a eu une très bonne idée ce jour-là.
Mais, même si je perds tout mon souffle dans cet harmonica au quotidien, c’est d’une guitare dont j’ai envie. Cela fait plusieurs mois que je le répète tous les jours à mes parents :
« Je veux une guitare » !
Mes parents ne sont pas musiciens, mes grands-parents non plus. Par contre, mon père a une collection de vinyles des années 60 et 70, voire plus anciens, car il y a quelques 78 tours, impressionnante !
Il ne les a pas achetés, son père les lui avait « offert » …
Son père était mécanicien, réparateur des incinérateurs sur grille d’ordures ménagères dans la société TIRU à Saint-Ouen-Sur-Seine. Il avait eu la bonne idée de ne pas brûler tous ces disques vinyles, comme le lui avait demandé son patron. Plutôt que d’écouter les ordres de son chef, et, au risque d’être blâmé pour cela, il avait demandé un coup de main à ses collègues pour discrètement les cacher sous une couverture dans le coffre de sa camionnette, toute défoncée, pour les offrir à son fils. Ce n’était pas vraiment du vol… Juste un… sauvetage… 😉
Il y avait tous les Bob Dylan et les John Baez, les Doors, quelques Pink Floyd, tous les Clapton, John Mayall, Jackson Browne, David Lindley, Ritchie Heavens, Jimi Hendrix, Led Zeppelin, Santana, David Bowie, Janis Joplin, The Stooges, les Velvet, Blood Sweat & Tears, Chicago, Johnny Cash, Tom Waits, Patti Smith et bien sûr les Beatles et les Rolling Stones…
Mais aussi, Miles Davis, John Coltrane, Duke Ellington, Wes Montgomery, Joe Pass, Kenny Burrell, Bill Evans, Jack DeJohnette, Elvin Jones, Lou Bennet… Et, plein d’autres artistes et groupes que je ne connaissais pas encore, du haut de mes 15 ans et demi, comme un vinyle des Cat Mother, de 1972, dont j’adore toujours le dessin de la pochette et que j’écoute encore régulièrement aujourd’hui, ou Louis Thomas Hardin (Moondog), Sandy Bull, et tellement d’autres qu’il faudrait 100 articles de blog pour tous les citer.
Au milieu de ces piles de disques vinyles, il y a en 3 qui attirent plus mon attention que les autres… Je ne sais pas encore pourquoi… la vie l’a décidé pour moi à ce moment-là.
Le premier, un disque de Terry Callier « What Color Is Love » … Peut-être qu’à ce moment, c’est ma puberté qui me fait perdre la tête à cause de la pochette. Mais, aujourd’hui, je suis certain que ce n’est pas la fille assise dans son fauteuil qui a attisé mon attention, mais, bel et bien l’émotion de la musique qui est gravée dans ce vinyle.
Le deuxième, un vinyle de Donny Hattaway en live avec des reprises dont A Song for You de Leon Russell ou Giving Up de Gladys Knight & the Pips, écrite par Van McCoy.
Et puis, le troisième, peut-être l’album le plus important dans ma future route musicale, celui de Stephen Stills dont je regardai religieusement la pochette pendant que j’écoutais le vinyle en boucle. Il avait l’air tellement cool avec sa Martin en finition 45, assis sur une vieille caisse en bois, les pieds dans la neige, une clope coincée entre l’annulaire et l’auriculaire, avec comme seul public une girafe en peluche rose fluo à pois. Mais, ce qui était encore plus cool c’était d’écouter Black Queen en Drop D Tuning 20 fois de suite.
Je pense que si je creuse un peu plus dans ma mémoire, c’est la 21 ème fois de suite que je me suis dit :
« Je veux une guitare » !!!
Je pourrais vous en parler des heures, tant j’ai écouté tous les albums de JJ Cale en boucle, tant j’ai pu rêver en regardant la Rolls-Royce Silver Dawn sur la pochette de Delaney & Bonnie & Friends On Tour with Eric Clapton…
Mais revenons à nos Luthiers…
D’ailleurs la Rolls-Royce Silver Dawn de la pochette de Delaney est le parfait exemple pour revenir à nos luthiers. Car, c’est la première Rolls-Royce à être construite entièrement en usine…
Vous voyez où je veux en venir… ??? Oui… Non… Ok, pas de souci, nous y reviendrons plus tard, bien plus tard, lors d’une prochaine histoire… 😉
J’ai donc 15 ans et demi et « Je veux une guitare » !!!
Alors, c’est parti, j’ai une enveloppe dans ma poche avec 400 francs. Une grosse somme à l’époque pour des parents qui pensent que c’est une envie passagère… Ma mère, quelques jours avant, m’a aidé à repérer où nous devions aller à Paris pour trouver le graal tant attendu.
Direction rue de Rome ! Je ne connaissais pas encore Pigalle, la rue de Douai et la rue Victor Massé… Et, ma mère, même si elle avait vu qu’il y avait des magasins là-bas, avait sûrement dû préférer l’univers de la rue de Rome à cette époque. 1h45 de train plus tard, nous voilà en bas de la rue de Rome…
Nous regardons toutes les vitrines, avec une grande attention. Je suis timide, je n’ose pas rentrer dans toutes les boutiques mais, heureusement, ma mère est très patiente. Elle me laisse tout le temps dont j’ai besoin. Et puis, je me décide, je rentre dans un magasin où je vois des violons, mais aussi de belles guitares.
Sur la devanture il est écrit :
« Jacques Camurat… Luthier » !
Je ne me souviens plus comment ce premier achat s’est passé. Je ne vois plus les images. Je ne sais plus pourquoi j’ai pris ce modèle, que j’ai encore aujourd’hui, plutôt qu’un autre… Mais, ça y est, je sors du magasin avec ma première guitare !
Ce dont je me souviens, c’est qu’il faisait très chaud. Et qu’il y avait un soleil très puissant ce jour-là. Le vendeur m’avait donné plusieurs conseils sur l’entretien, l’accordage. Il m’avait offert un petit accordeur chromatique à souffle et une housse marron clair très rembourrée. Mais dans l’excitation, du haut de mes 15 ans et demi, je n’avais retenu qu’un conseil : « Faites attention au soleil, une guitare est sensible à la chaleur. Protégez-là bien ! »
Le seul souvenir très précis qui me reste aujourd’hui, c’est que j’avais demandé à ma mère de changer de trottoir pour redescendre toute la rue de Rome vers la gare Saint-Lazare, sur le trottoir de gauche qui était à l’ombre. Car le vendeur m’avait dit qu’une guitare était sensible à la chaleur…
Cette guitare, je l’ai toujours. Elle a passé beaucoup de temps dans mes bras les premières années. Puis, d’autres guitares sont arrivées. Elle a donc passé beaucoup de temps dans son étui. Mais, elle est toujours là !
Je suis allé la ressortir aujourd’hui pour vérifier la date sur l’étiquette : 23 avril 1987…
Le jour où une passion est née…
J’aime les luthiers et les autres aussi… Il ne faut jamais oublier de dire aux gens qu’on les aime … Cela ne coûte rien !
Ah, au fait… Merci Greg, je t’aime mon pote !
Christophe (le logo à tête rose derrière Luthiers.com)
La suite… bientôt… 😉
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